Le vendredi 12 avril 2024 à 20h

Danse

Sous les fleurs

Thomas Lebrun

CCN Tours

© Frédéric Iovino
© Frédéric Iovino
© Frédéric Iovino

Présentation

Il n’y a pas de terme précis pour définir la féminité d’un homme. En Europe, l’homme féminin est difficilement accepté. Au Mexique, chez les Zapotèques, existe ce que l’on peut appeler un troisième genre reconnu : les Muxes. Elles vivent pleinement leur féminité. À l’occasion des fêtes, elles portent même la tenue traditionnelle : robe colorée, chevelure fleurie, bijoux et dentelle. Pourtant, il n’est pas toléré qu’elles aient une vie conjugale exposée. Explorant cette contradiction, Sous les fleurs est un opus chamarré aux références enchanteresses, pensé comme un documentaire chorégraphique.

Autour de la partition du Spectre de la rose de Berlioz et de musiques traditionnelles mexicaines sont réunis cinq interprètes. Ensemble, ils investissent le vocabulaire de l’expression des genres pour mieux le subvertir : danse de femmes ou d’hommes, danse féminine dans un corps masculin, danse non genrée, danse en transformation continue… Les gestes se fondent dans un mouvement d’ensemble aux variations subtiles pour évoquer la féminité chez l’homme sans la réduire, comme c’est communément le cas, à son rapport à la sexualité. 


Note d'intention 

« Il n’y a pas de terme précis pour définir la féminité d’un homme, malgré toutes ses nuances. En France, en Europe, et dans une grande majorité du globe, l’homme féminin est difficilement accepté, souvent casé dans les minorités ou relégué dans les cas particuliers... Certaines religions ne reconnaissent pas même leur présence, voire interdisent leur existence... Et dans nos pays civilisés, tous les jours, des enfants sont rejetés par leurs familles, des jeunes gens sont agressés, défigurés jusqu’à en mourir, des hommes se cachent jusqu’à nier eux-mêmes leur existence, persécutés dès leur plus jeune âge par une virilité primaire et violente indélébile... pour cause de féminité émanante.
Dans différents coins du monde, il existe des endroits où l’homme féminin fait partie de l’Histoire, de la civilisation... où l’on élève parfois même ses enfants sans les genrer dès la naissance, mais en les regardant grandir... Les Mahus, en Polynésie française mais aussi à Hawaï, ont été chassés par la colonisation et l’intégrisme religieux. Chez certains peuples amérindiens, les deux esprits, qui définissent les hommes-femmes ou les femmes-hommes, étaient pourtant totalement tolérés et acceptés par leurs semblables.
Aussi, au sud du Mexique, dans la région de Oaxaca et plus précisément vers Juchitán, chez les Zapotèques existe ce que l’on peut appeler un troisième genre reconnu : les Muxes (prononcé "mouchés"). Elles ont et se donnent le droit de vivre pleinement leur féminité, de pratiquer des métiers traditionnellement réservés aux femmes (cuisine, broderie, coiffure...), mais elles ne peuvent se prêter à une vie conjugale exposée, ni avec un homme ni avec une femme, ni avec une autre Muxe. La plupart d’entre elles s’habillent quotidiennement en femme, et pour toutes occasions festives, elles portent des robes traditionnelles très colorées, à fleurs ou à motifs géométriques tissés à la main, fleurissent leur chevelure, se bordent de bijoux imposants et de dentelles... la tenue traditionnelle zapotèque.

Comme le dit Felina Santiago Valdivieso, l’une des Muxes les plus reconnues, rencontrée à Juchitán : « je ne suis pas une femme, je ne suis pas un homme, je suis Muxe ». Pour cette pièce, j’ai réuni quatre danseurs (Antoine Arbeit, Raphaël Cottin, Arthur Gautier et Sébastien Ly), un comédien-danseur-chanteur (Nicolas Martel) et un chercheur mexicain anthropologue en danses traditionnelles mexicaines (Raymundo Ruiz González) : tous ont en eux cette féminité intérieure plus ou moins perceptible. J’imagine ce projet comme un documentaire chorégraphique oscillant entre réalisme et onirisme... entre un pays où les hommes peuvent se marier entre eux mais où leur féminité est majoritairement refusée, et une région du monde où la féminité de l’homme est intégrée dans la culture, visible et majoritairement acceptée, mais où l’idée du couple ne peut l’être... Évoquer la féminité chez l’homme sans la noyer, comme c’est communément fait, dans un rapport à la sexualité.

Sous les fleurs,
Danse de femme ou danse d’homme,
Danse féminine dans un corps masculin,
Danse non genrée, tout en transformation continue,
État de danse, d’apparence ou de transparence...
Réalités contemporaines et traditionnelles de la place du corps et de ses pensées, de son esprit...
Rêver que les choses existent et évoluent, se souvenir qu’elles ont existé...

Sur les corps et au plateau, des couleurs discrètes d’ici et chatoyantes de là-bas.
Musicalement, certainement Le Spectre de la rose de Berlioz chanté par un homme et par une femme (dans le ballet de Michel Fokine, le spectre de la rose est dansé par un homme...). Des mélodies de La Bruja de Texcoco, chanteur mexicain actuel qui pourrait nous rappeler un certain Antony and the Johnsons (aujourd’hui Anhoni)... Des musiques traditionnelles de la région d’Istmeña... des paroles de Felina, des ambiances festives de Juchitán où nous sommes allés rencontrer les Muxes en juin 2022. »

Thomas Lebrun


Biographie
Interprète pour les chorégraphes Bernard Glandier, Daniel Larrieu, Christine Bastin et Christine Jouve, Thomas Lebrun fonde la compagnie Illico en 2000. Avec un répertoire riche de créations en France et à l’étranger, il a développé une écriture chorégraphique exigeante, alliant une danse rigoureuse à une théâtralité affirmée.  Depuis sa nomination à la direction du Centre chorégraphique national de Tours en janvier 2012, Thomas Lebrun a créé 15 pièces chorégraphiques et diffusé son répertoire pour plus de 900 représentations en France (Chaillot - Théâtre national de la Danse, Biennale de la danse de Lyon, Festival d’Avignon…) comme à l’étranger. Il a également répondu à de nombreuses commandes (Académie de l’Opéra national de Paris, Opéra du Capitole de Toulouse, Festival MODAFE - Séoul, Centre des monuments nationaux, Touka Danses - CDCN Guyane, Coline - formation du danseur interprète, CNDC...). Au sein du CCNT, il développe un projet visant à faire découvrir la danse dans toutes ses nuances et ses diversités et à favoriser l’ouverture. En juin 2014, Thomas Lebrun a reçu le Prix Chorégraphie décerné par la SACD et, en mars 2017, il a été nommé au grade de Chevalier de l’Ordre des Arts et des Lettres.

Voir, écouter et lire

07/06/2023

La Terrasse

Cette superbe scène où les bustes se plient laissant s’envoler cheveux et bras sûrement, cette façon de développer une signature singulière qui nous émerveille par sa beauté et son raffinement tout en nous touchant directement aux tripes plus encore.

Séances et tarifs

Générique

Chorégraphie : Thomas Lebrun • Interprètes : Antoine Arbeit, Raphaël Cottin, Arthur Gautier, Sébastien Ly, Nicolas Martel • Création lumières : Françoise Michel • Création son : Maxime Fabre • Création costumes : Thomas Lebrun, Kite Vollard • Régie générale : Xavier Carré • Régie son : Clément Hubert • Assistante sur le projet : Anne-Emmanuelle Deroo • Chercheur anthropologue : Raymundo Ruiz González


Production : Centre chorégraphique national de Tours • Coproduction : La rampe-la ponatière, scène conventionnée-échirolles, Équinoxe – scène nationale de Chateauroux

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