du mardi 21 au mercredi 22 janvier 2020

Théâtre

Au milieu de l’hiver, j'ai découvert en moi un invincible été

Anaïs Allais

Cie La Grange aux Belles

© Simon Gosselin
© Simon Gosselin
© Simon Gosselin

Présentation

Abdelkader Benbouali était un footballeur algérien. Il est champion de France avec l’Olympique de Marseille en 1937 puis sélectionné pour la Coupe du Monde de 1938. Après sa carrière, il retourne en Algérie et rejoint la lutte pour l’indépendance. Un jour, il se fait arrêter par des soldats français qui ne lui laissent la vie sauve que parce qu’ils le reconnaissent.

Anaïs Allais s’inspire de cette histoire, celle de son grand-père, pour proposer une pièce vigoureusement présente, un drame sensible qui entrecroise habilement le destin d’une famille à celui d’un peuple.

Depuis ses premières pièces, Anais Allais mêle dans son travail documentaire, fiction et autofiction autour de la notion d’identité. Comment se confronter à un passé aussi vital qu’étouffant ? Comment dire « je » au milieu de ces « nous » qui regardent par-dessus notre épaule ? Il ne s’agit pas de commémorer, mais de dire l’événement passé (ici, la Guerre d’Algérie) comme un état intime et bien vivant, à travers une histoire de langue et d’accents, de souvenirs chantés et d’images manquantes.

Au milieu de l’hiver, j’ai découvert en moi un invincible été est un pont jeté entre les pays et entre les époques, une formidable invitation à la construction d’un récit commun.

 

 

NOTE D'INTENTION


« Il y a des histoires qui aiment à se cacher, à se dissimuler. C’est le cas de Au milieu de l’hiver, j’ai découvert en moi un invincible été, et c’est le cas, plus largement, de cette histoire franco-algérienne. Pendant longtemps, ce projet n’a été qu’un titre flottant au-dessus de nos salles de répétition. Un mantra. Et j’ai très vite senti l’impossibilité de tout préméditation quant au rendu final.
J’avais comme point de départ, ou plutôt comme porte d’entrée, la figure de mon grand-père maternel, Abdelkader Benbouali, que je n’ai jamais connu. Il était footballeur professionnel dans les années 30, du temps de l’Algérie française. En commençant mes recherches sur lui, je me suis rendue compte qu’il avait passé le clair de sa vie à frôler la grande Histoire. Un frôleur à qui l’Histoire n’a jamais rendu les honneurs. Un récit manquant. En parallèle de sa biographie que je reconstituais au compte-goutte, j’ai donc énormément lu sur le rapport entre foot et politique dans cette histoire coloniale. C’était passionnant mais je n’arrivais pas à trouver mon lien intime avec cette nouvelle sémantique – je ne m’étais jamais intéressée au football. C’était purement intellectuel. J’ai persévéré pendant 6 mois jusqu’à me rendre compte que ce serait sans doute non advenu, je ne serai jamais spécialiste de foot et ma parole sur ce sujet me semblait être une vaste imposture. Il s’agissait d’un nouveau langage et je devais me rendre à l’évidence, c’était trop tard, je ne serai jamais bilingue en la matière.
J’ai donc dû prendre un virage à 180 degrés au milieu de cette création et me reposer cette question fondamentale : Qu’est-ce qui m’est nécessaire de dire aujourd’hui ? Qu’est-ce qui est pour moi urgent de partager ?
Je devais à nouveau me plonger dans mon rapport à l’Algérie. Repartir en errance comme je l’avais fait pour mon premier texte Lubna Cadiot, qui peignait la fresque d’une lignée de femmes franco-algériennes de 1950 à nos jours. Repartir en errance. Un marécage. Des sables mouvants.
J’ai appris il y a peu que quand on est physiquement dans des sables mouvants, la grande erreur c’est de tenter de faire des gestes vifs pour s’en sortir le plus rapidement possible.
C’est comme ça que la masse autour t’enserre, de plus en plus fort, pour te murer. Il faut en fait fermer les yeux d’abord, se reconnecter à soi, respirer profondément, chasser la panique, puis doucement soulever une jambe et mettre le genou au sol, le tibia posé sur la surface, et ensuite, encore plus doucement, enlever l’autre jambe et faire le même mouvement. Et là, seulement, tu peux à niveau disposer de tes jambes.
Malgré la temporalité de production et la première qui approchait à grands pas, j’ai opté pour cette technique.
J’ai donc erré, de documentations en voyages et contemplations, de laboratoires en tentatives d’écriture, sans savoir quel récit hébergerait nos intuitions, à l’équipe et à moi… jusqu’au jour où le comédien François Praud, engagé sur le projet sans savoir ce qu’il y jouerait, a voulu apprendre une chanson chaâbi tirée du magnifique documentaire El Gusto de Safinez Bousbia, une pièce de puzzle parmi d’autres. J’ai donc contacté un technicien son du théâtre le Grand T, que je savais Algérien, pour qu’il vienne donner un cours ponctuel de prononciation à François. Je les ai regardés, leur ai tourné autour, et ai été immédiatement fascinée par ce que je voyais, voulant le voir tel quel au plateau comme un Ready made de Marcel Duchamp, tant la puissance métaphorique de cette scène me semblait inépuisable.
Voilà la langue qu’il était encore temps d’explorer, quitte à avoir éternellement un accent.
J’ai donc proposé à ce technicien de revenir expérimenter avec nous et d’apporter ses instruments -il était aussi musicien. Je lui ai beaucoup parlé de mon Algérie, il m’a parlé de la sienne. Le projet avait désormais un visage, celui de Méziane Ouyessad. Nous étions en décembre 2017 et il était l’invincible été de notre hiver. J’ai commencé à construire le spectacle autour de cette pièce maitresse qui devenait le liant entre mes intuitions et le plateau. Méziane arrivait avec l’Algérie d’aujourd’hui, celle qui a continué à vivre après l’indépendance de 1962, celle qui reconstruit sur des ruines et qui n’a que faire des fantasmes et de la nostalgie, celle à qui on doit nos ponts de fortunes entre les deux rives.
L’idée était d’incarner au plateau une nouvelle génération, qui n’oublie pas le passé, mais qui l’utilise pour écrire une nouvelle page de notre histoire à deux mains. L’une en Algérie, l’autre en France. Une même génération qui ne veut plus être prisonnière de ce passé. En France, un passé qui est tu (celui de ceux qui ont fait la guerre d’Algérie), en Algérie un passé omniprésent (celui des moudjahidin qui nourrit la rente mémorielle).
Méziane est physiquement à la frontière scène-salle avec ses instruments. Il est le pont entre réalité et fiction, entre le temps de la représentation et celui du récit. Il est le lien entre les spectateurs et les personnages, incarnés par François Praud et moi-même.
Avec la scénographe Lise Abbadie, j’ai travaillé sur la forme la plus simple possible : un bureau (l’espace intime de la fratrie), un tulle (support des images d’Alger) et un praticable derrière ce tulle qui permet une surélévation de l’image.
En octobre 2017, je suis partie à Alger avec Isabelle Mandin des films Hector-Nestor, vidéaste venant exclusivement du documentaire, pour aller tourner des images qui seraient comme une invitation au voyage, à la contemplation, à découvrir une Algérie encore peu visitée aujourd’hui. La difficulté de tourner dans l’espace public à Alger lui a permis de trouver un autre langage filmique, fait de plans fixes ou d’images volées en voiture, comme si on prenait le pays en filature. Le créateur son Benjamin Thomas a ensuite travaillé ces images comme on travaille en post-production au cinéma tandis que le créateur lumière Sébastien Pirmet créait les espaces autour de ces vidéos, du bureau et du praticable. »


Anaïs Allais

 


 

BIOGRAPHIE : 
Formée au Conservatoire de Nantes et à l’Institut des arts de diffusion en Belgique puis par des stages auprès de Joël Jouanneau, Claude Buchvald ou Wajdi Mouawad, Anaïs Allais est autrice, metteure en scène et comédienne. Elle a fondé, avec la comédienne Fanny Touron, la compagnie La Grange aux belles avec laquelle elle a créé Lubna Cadiot (x7) en 2012 et Le Silence des Chauves-Souris en 2015, accueilli à Blois. Ces deux pièces ont été publiées chez Acte-Sud. Depuis 2016, elle est artiste associée au Grand T, Théâtre de Loire-Atlantique.

Voir, écouter et lire

Reportage - France 24

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Séances et tarifs

Générique

Écriture et mise en scène : Anaïs Allais • Texte édité chez Actes Sud-Papiers en novembre 2018 • Collaboration artistique : Damien Gabriac • Interprétation : Anaïs Allais, Méziane Ouyessad, François Praud • Dramaturgie : Charlotte Farcet • Scénographie : Lise Abbadie · Vidéo : Isabelle Mandin • Création sonore : Benjamin Thomas • Création lumières : Sébastien Pirmet • Administration-production : Cécile Favereau / Bérengère Chargé et Marine Charles • Diffusion : Emmanuelle Ossena - EPOC productions


Production : La Grange aux Belles • Coproduction : le Grand T-Nantes, la Colline-théâtre national, la Halle aux Grains-scène nationale de Blois • Soutiens : conseil départemental de Loire-Atlantique, région Pays de la Loire, la ville de Nantes, la Spedidam • La compagnie La Grange aux Belles est soutenue par le Conseil départemental de Loire-Atlantique • Spectacle créé en avril 2018 au Grand T, Nantes

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