18 > 22 octobre 2021

équipe en action parole d'artiste à lire

Ecole buissonnière aux fourneaux

Par Zahra Adda-Attou, animatrice culturelle et maîtresse de maison & Emmanuel Perrodin, chef - artiste associé

© Vincent Beaume
© Vincent Beaume
© Vincent Beaume
© Vincent Beaume
© Vincent Beaume
© Vincent Beaume
© Vincent Beaume
© Vincent Beaume

Zahra Adda-Attou, met beaucoup d’entrain et d’énergie dans la Cuisine de la Bastide pour créer du bonheur autour de la table. Que ce soit lors d’ateliers cuisine avec les enfants ou de tablées d’équipe et d’artistes en résidence : tous les midis, l’ambiance chaleureuse est au rendez-vous ! Du côté d’Emmanuel Perrodin, artiste de la Bande, sa cuisine fait feu de tout bois : il explore les liens qui se tissent entre cuisine, arts, paysages et territoires, et a l’art de transmettre sa passion.    
En binôme, ils ont accueilli une classe de 5ème du collège Elsa Triolet, avec leurs professeur∙e∙s, de mathématiques, français, histoire, physique et italien, dans la Bastide du ZEF pour une semaine entre cuisine et cours théoriques au grenier. Une semaine pour renforcer les savoirs et rendre concrets les apprentissages en appliquant la théorie à la pratique ! En effet, c’est bien plus efficace, ça laisse de sacrés souvenirs et les élèves sont toujours ravi∙e∙s de mettre les mains à la pâte (ou dans le compost) !

Cette semaine, tout un programme : lundi, cours d’histoire et découverte de la canne à sucre et des épices, confection de mandarines confites ainsi que de kéfir ; mardi, fabrication de fromage fermenté (le labne), foccacia et cours d’italien ; mercredi, cours et expériences de physique-chimie moléculaire en cuisine et initiation au lombricompost avec Julian Cox, animateur jardin du ZEF ; jeudi, mathématiques et préparation d’un bouillon, ainsi que d’une farce pour les brochettes ; vendredi, mise en place du repas avec toutes les recettes de la semaine pour une grande tablée réunissant équipe du ZEF, équipes artistiques présentes en résidence, élèves et professeur∙e∙s !

Bravo aux professeur∙e∙s, motivé∙e∙e qui ont su utiliser ces outils au service de leurs disciplines. Bavo aux jeunes, qui ont bravé la difficulté de la nouveauté, leurs goûts et dégoûts, leurs interdits, qui ont débattu avec enthousiasme sur les stéréotypes en cuisine. Une semaine bien riche qui restera sûrement gravée dans les mémoires. Et qui se reproduira en avril avec une classe de 4ème... 
 

À l’issue de cette semaine d’ateliers, et pour en savoir plus sur cette première collaboration en cuisine, nous avons proposé à Zahra Adda-Attou et Emmanuel Perrodin une interview-maison, de l’entrée au café...

 


 

Entrée : mise en bouche 
Z : Non, commence… 
E : Non, C’est toi la maîtresse de maison… 
Z : Non, commence… tu es mon invité ! 
E : C’est vrai… Donc, c’est ma première participation à une activité du ZEF, un atelier avec une classe de 5ème du collège Elsa Triolet. Le projet a été suivi par cinq professeur·e·s et une professeure documentaliste, cheville ouvrière du projet, avec la prof de français, il y avait, également, un professeur de mathématiques, une professeure d’Italien… 
Z : … et de sciences-chimie  
E : … et un professeur d’histoire… qui ont vraiment suivi et, ça, c’était, vraiment très agréable. 
C’était une classe de vingt-trois élèves, en demi-groupe ; tout a été fait au ZEF - Gare Franche ; les ateliers cuisine se passaient dans la Cuisine de Zahra et les cours dans le Grenier.
Z : Moi, c’est la première fois que je me retrouve avec quelqu’un dans la cuisine. 
E : Et qu’est-ce que ça t’a fait ? 
Z : Pour moi, c’était super ; je suis émerveillée devant… (en montrant Emmanuel) 
E : Moi aussi… (en montrant Zahra) 
(rires) 
Z : (Rire) Un grand chef ; franchement, c’était super ; j’ai euh... kiffé ! Je me suis laissée porter, je ne me suis pas posé de question et, franchement, c’était super, pour moi, de partager ça et de voir ces élèves, autour de nous, c’est une expérience unique ! 
E : Oui… elle a surtout scandé. Sans ta présence, il n’y a pas d’atelier ! Y’a un rythme, en fait ; un rythme que tu donnes… et qui est juste. 
Z : Nous sommes complémentaires, tous les deux… 
E : Oui, il y avait une vraie complicité… et puis on est à l’écoute l’un de l’autre. 
Z : Des fois, on n’a même pas besoin de parler : on sait ce que l’autre va demander, ou faire… 
E : Du coup c’est vraiment bien ! 
 
Plat : fait maison  
E : L’idée, aussi, était de travailler sur le temps, puisqu’on savait qu’on avait quatre jours, il fallait que les recettes de lundi puissent être encore bonnes, voire même meilleures le vendredi. 
Z : On a travaillé avec le professeur de chimie sur la fermentation… 
E : Exactement, avec le kéfir et le pain. Les confisages.  
Avec la prof de français, l’idée était un peu tirée par les cheveux, mais on a voulu travailler l’histoire du bouillon d’œuf, qui est tiré d’un livre de recette de Dalì qui s’appelle “Les dîners de Gala". Une recette facile à faire, qui rappelle un peu la recette de bouillabaisse d’ici. 
E : Et puis on a aussi travaillé autour du fromage. 
Z : Et de sa fermentation. 
E : Le travail du fromage en le séchant, en lui enlevant de l’eau. On appelle ça le lebné, lben/ leben c’est le petit lait en arabe, au Maghreb. 
Z : Je trouve qu’ils ont été super, ils ont été jusqu’au bout, ils ont tout essayé. 
E : Oui… 
Z : Ils ont découvert des choses qu’ils ne connaissaient pas... des épices par exemple. 
E : Oui, oui, oui… 
Z : Ils ont fait des liens, aussi, tenant compte de ce qu’ils mangent à la maison, ou pas… Beaucoup font aussi la cuisine chez eux ! Travailler la pâte par exemple… 
E : La pâte, il y a une élève qui était vraiment impressionnante ! 
Z : Elle l’a tirée, elle l’a tournée, avec un savoir-faire... 
E : C’était exactement ça, c’était magnifique… Elle était fière…  
Z : Elle aidait ses camarades ! 
E : Et, ce qui était très drôle et surprenant, avec ces minots, c’était de voir les limites qui étaient les leurs, c’est-à-dire les interdits qu’ils pouvaient avoir, leurs interrogations, les inquiétudes, tout de suite mettre à distance avec des mots, parfois rudes… “ça pue” ou “je déteste”… 
Z : Ou “je ne veux pas toucher” ou “c’est dégueu”… 
E : C’était intéressant de le constater, c’était intéressant de le voir et puis c’était beau cette jeunesse, elle était vraiment vivante, celle qui nous a accompagnée pendant cinq jours. Bon, après ce sont encore des 5èmes, ils sont encore dans cet entre-deux qui est très émouvant, et après c’est le grand basculement vers le n’importe quoi, puis l’âge adulte c’est encore pire… 
 
L’addition 
Z : Pour la prochaine fois, je pense qu’on devrait se retrouver au CDI, rechercher des livres, travailler en amont sur des recettes. 
E : Aller sur leur lieu, aussi, je suis d’accord. 
Z : Même si, de venir ici, ça les déplace... de travailler en cuisine, ça rend les choses beaucoup plus vivantes pour les élèves 
E : Oui, c’est absolument génial d’avoir la possibilité de changer de lieux ! Et ce projet, qui est né de la discussion entre un groupe de professeurs impliqués et vous, une structure partenaire, est incroyable ! 
Z : Que ce soit en Cuisine, dans le Jardin ou dans l’Usine, les professeur·e·s sont toujours très demandeurs, car ça développe des outils qui sont précieux dans leurs matières respectives.  

+ Supplément le moment préféré des élèves :
À l’unanimité : “quand on a mis les mains dans la pâte, dans la farce, et dans le compost !”  
Un jeune garçon : “quand on a épluché les oignons, car j’avais le droit de pleurer”.
Un groupe de filles : “quand on a épluché les oignons, car on pleurait tous ensemble autour de la table !”